Le présent rapport tient compte principalement des sources de données suivantes pour le Nord canadien : données de stations (aperçu à la section 2.1.1), observations maillées (section 2.1.2), données de télédétection (2.1.3) et réanalyses (section 2.1.4).
Données de télédétection
La télédétection fait référence aux techniques qui mesurent le rayonnement électromagnétique à distance au moyen de capteurs « actifs » ou « passifs ». Divers algorithmes sont utilisés pour convertir ces mesures en variables météorologiques telles que la température de surface, les profils verticaux de la température atmosphérique, le vent et l’humidité, la couverture de neige et de glace, et les mesures de rayonnement. Les capteurs « actifs » émettent des ondes électromagnétiques et mesurent la partie des ondes qui sont diffusées par la cible vers le capteur. En revanche, les capteurs « passifs » détectent les rayonnements qui leur parviennent naturellement d’autres objets, émis par le paysage/l’atmosphère ou réfléchis par une autre source.
Ces mesures sont effectuées par des instruments terrestres, aériens ou spatiaux qui pointent vers des cibles situées à une distance considérable de leur emplacement. Par exemple, les instruments radar au sol émettent de l’énergie d’ondes radio à travers l’atmosphère et utilisent les mesures de la fraction réfléchie pour estimer l’intensité et le type de précipitations. La température et l’humidité à basse altitude peuvent être mesurées à partir d’observations passives au sol de la radiance micro-onde ou infrarouge ou par des capteurs actifs appelés lidars d’absorption différentielle de la vapeur d’eau. Les principales données de télédétection que nous considérons dans ce rapport sont enregistrées sur des plateformes mobiles telles que des satellites, des avions, des ballons météorologiques et des navires.
Les données brutes recueillies par télédétection doivent être traitées et reliées à la variable d’intérêt par un « algorithme de récupération ». L’algorithme de récupération est spécifique à l’instrument et à la cible d’observation. Diverses méthodes ont été mises au point pour détecter et récupérer à distance les variables considérées dans ce rapport, telles que la température, les précipitations, l’humidité (air et sol), l’épaisseur de la neige, l’équivalent en eau de la neige, le débit des rivières, la glace de mer, le vent, etc. Les surfaces de neige et de glace sont très réfléchissantes à la lumière visible, de sorte qu’un capteur satellitaire mesurant dans la partie visible du spectre peut distinguer la couverture de neige et de glace de l’océan ou d’autres types de terres. Pour détecter l’eau dans l’air (humidité, nuages ou précipitations), on mesure généralement des longueurs d’onde infrarouges ou plus grandes, comme dans l’exemple du radar terrestre. La plupart des techniques font appel à des observations à plusieurs longueurs d’onde pour isoler une variable ou pour extraire plus d’informations. Par exemple, les mesures du rayonnement micro-ondes peuvent être utilisées pour dériver des profils verticaux de température qui peuvent être utiles pour surveiller le climat ou des fronts météorologiques individuels.
À l’échelle mondiale, le plus grand volume d’observations est fourni par les instruments embarqués sur les satellites, c’est pourquoi une attention particulière leur est accordée dans cette section. En particulier, les données de télédétection sont utilisées pour contraindre les produits de réanalyse mentionnés dans ce rapport, tels que la réanalyse ECMWF, version 5 (ERA5). Une introduction plus approfondie à la télédétection du Centre canadien de télédétection est disponible en ligne à l’adresse https://www.nrcan.gc.ca/sites/www.nrcan.gc.ca/files/earthsciences/pdf/resource/tutor/fundam/pdf/fundamentals_e.pdf.
Satellites d’observation de la Terre
Les données satellitaires ont été collectées pour la première fois au début des années 1970 et sont devenues un élément régulier des applications opérationnelles dès le début de « l’ère des satellites » en 1979. L’un des principaux avantages de la télédétection par satellite est la possibilité d’observer rapidement de grandes régions de la Terre (terre et océan). Cependant, comme pour toute donnée basée sur l’observation, les données dérivées des satellites présentent des problèmes et des défis. Par exemple, les données satellitaires sont limitées par la méthode d’extraction. Pour illustrer cela, nous prenons l’exemple du vent. Les diffusiomètres mesurent le rayonnement rétrodiffusé par les vagues océaniques. Les mesures du vent de surface effectuées à l’aide de ces instruments ne sont donc disponibles qu’au-dessus de l’océan. Nous notons que ces ensembles de données peuvent encore être utiles pour des applications côtières dans le Nord canadien. La télédétection des vents peut également se faire par radar et lidar (au sol ou par satellite, comme sur le satellite Aeolus), mais ces capteurs actifs ne peuvent mesurer qu’une seule composante des vents, appelée vent en visibilité directe. Enfin, une autre technique de télédétection du vent permet de suivre le mouvement des nuages (à l’aide des vecteurs de mouvement atmosphérique ou AMV) pour récupérer les vents. Cependant, cette méthode est limitée dans la direction verticale puisque les nuages ne sont pas présents partout et à toutes les hauteurs.
Les données satellitaires sont également sujettes à des incertitudes et à des limitations liées à l’étalonnage des instruments. Les autres problèmes qui limitent la télédétection sont la couverture spatiale, l’illumination et les problèmes de sensibilité, ainsi que la présence de l’atmosphère (Dubovik et collab., 2021).
Les nuages couvrent une grande partie de la surface de la Terre à tout moment, et ils interfèrent avec les mesures dans les longueurs d’onde visibles et infrarouges. Cependant, les nuages laissent passer les micro-ondes, de sorte que les mesures de la longueur d’onde des micro-ondes sont moins affectées par la couverture nuageuse. Aux hautes latitudes, les mesures passives aux longueurs d’onde visibles sont affectées par le manque de lumière solaire pendant les mois d’hiver, alors que les capteurs actifs peuvent continuer à collecter des données.
Les limites latitudinales et la fréquence d’échantillonnage à chaque latitude dépendent de l’orbite de chaque satellite. Il est donc crucial de noter quand des ensembles de données « globales » ont fait appel à des techniques de comblement des lacunes au-delà des limites physiques de la plate-forme de mesure. Par exemple, pour les mesures de la neige provenant de l’Integrated Multi-satellitE Retrievals pour GPM (IMERG, où GPM fait référence à Global Precipitation Measurement ; Tan et collab., 2019), « la zone située en dehors du 60 N-S n’est peuplée que de données de jauge [in situ] et d’estimations satellitaires dans les zones sans surfaces enneigées/glacées, la couverture des données est donc incomplète ». Par rapport au produit dérivé du satellite, les données incomplètes peuvent avoir des caractéristiques différentes, comme décrit dans les sections 2.1.1 et 2.1.2. Il est généralement souhaitable de trouver un produit satellitaire qui couvre une région d’intérêt avec une seule technique de mesure.
Un dernier problème que nous soulignons est le « fouillis au sol », c’est-à-dire la présence de conditions de surface qui empêchent la mesure des caractéristiques de la basse atmosphère ou de la terre. Ceux-ci limitent intrinsèquement toutes les récupérations à basse altitude ou en surface au-dessus de la glace, de la neige, des nuages, du brouillard, des forêts et des terrains complexes. En effet, la télédétection de la surface ou de la basse atmosphère de la Terre utilise des signaux réfléchis ou émis par la surface et la basse atmosphère. L’« encombrement au sol » peut interférer avec ces techniques, produisant des valeurs incorrectes à partir de l’algorithme de récupération. Un exemple de ce problème est détaillé dans Bennartz et al, 2019 dans le contexte des récupérations de chutes de neige sur les calottes glaciaires du Groenland.
Malgré ces limitations, le volume et la couverture des données dérivées des satellites dépassent de loin les données in situ. De nombreux efforts sont en cours pour combiner des ensembles de données dérivées de satellites afin d’en extraire des informations complémentaires. Bien que les défis à relever doivent être compris, les ensembles de données télédétectées constituent un élément indispensable des prévisions météorologiques et de la surveillance du climat.
Citations
Bennartz, R., Fell, F., Pettersen, C., Shupe, M. D., & Schuettemeyer, D. (2019). Variabilité spatiale et temporelle des chutes de neige sur le Groenland à partir des observations de CloudSat (Spatial and temporal variability of snowfall over Greenland from CloudSat observations). Dans Atmospheric Chemistry and Physics (Vol. 19, Issue 12, pp. 8101-8121). Copernicus GmbH. https://doi.org/10.5194/acp-19-8101-2019
Dubovik, O., Schuster, G. L., Xu, F., Hu, Y., Bösch, H., Landgraf, J., & Li, Z. (2021). Les grands défis de la télédétection par satellite (Grand Challenges in Satellite Remote Sensing). Dans Frontiers in Remote Sensing (Vol. 2). Frontiers Media SA, Suisse https://doi.org/10.3389/frsen.2021.619818
Joe, P., Melo, S., Burrows, W. R., Casati, B., Crawford, R. W., Deghan, A., Gascon, G., Mariani, Z., Milbrandt, J., & Strawbridge, K. (2020). Supersite à Iqaluit : Le projet canadien de science météorologique dans l’Arctique (The Canadian Arctic Weather Science Project). Dans Bulletin of the American Meteorological Society (Vol. 101, Issue 4, pp. 305-312). American Meteorological Society. https://doi.org/10.1175/bams-d-18-0291.a
Mariani, Z., Crawford, R., Casati, B., & Lemay, F. (2020). Une évaluation pluriannuelle des observations du profil du vent par lidar Doppler dans l’Arctique (A Multi-Year Evaluation of Doppler Lidar Wind-Profile Observations in the Arctic). Dans Remote Sensing (Vol. 12, Issue 2, p. 323). MDPI AG. https://doi.org/10.3390/rs12020323
Moazami, S., & Najafi, M. R. (2021). Une évaluation complète du GPM-IMERG V06 et du MRMS avec des observations horaires de précipitations au sol à travers le Canada (A comprehensive evaluation of GPM-IMERG V06 and MRMS with hourly ground-based precipitation observations across Canada). Journal of Hydrology, Vol. https://doi.org/10.1016/j.jhydrol.2020.125929
Tan, J., Huffman, G. J., Bolvin, D. T., & Nelkin, E. J. (2019). IMERG V06 : Modifications de l’algorithme de morphing (Changes to the Morphing Algorithm). Journal of Atmospheric and Oceanic Technology, 36(12), 2471-2482. https://doi.org/10.1175/jtech-d-19-0114.1
Ressources supplémentaires d’apprentissage en ligne :
- https://www.meted.ucar.edu/education_training/
- https://www.ecmwf.int/en/learning/elearning-online-resources
- https://www.imperativemoocs.com/categories/esa