Les simulations futures du CMIP5 ont utilisé un ensemble de scénarios de forçage connus sous le nom de Profils représentatifs de concentration, ou RCP [de l’anglais « Representative Concentration Pathways » ] (Moss et coll., 2010; van Vuuren et coll., 2011). Les RCP ont été élaborés spécifiquement pour la communauté de la modélisation climatique par la communauté de la modélisation des systèmes énergétiques, comme raccourci dans le processus détaillé d’élaboration de scénarios d’émissions, et consiste en un ensemble de scénarios de forçage radiatif[1] futur à utiliser au lieu des scénarios socio-économiques détaillés auxquels ont a habituellement recours pour générer des scénarios d’émissions. Par conséquent, les RCP n’ont pas été associés à un profil socio-économique particulier ou à des scénarios d’émissions connexes (c.-à-d. que le scénario de forçage radiatif pourrait être réalisé en suivant différents profils socio-économiques ou différents scénarios d’émissions).
Il existe quatre RCP originaux couvrant la gamme plausible de climat futur, chacun décrivant une trajectoire des émissions de GES, les concentrations atmosphériques de GES et le forçage radiatif qui en résulte d’ici 2100. La figure 4.1 illustre le changement de température moyenne mondiale associé au RCP2.6 et au RCP8.5, et le changement de température à la fin du siècle pour les quatre RCP. Ils sont nommés en fonction de la quantité de « forçage radiatif » qu’ils provoquent d’ici la fin du siècle. Sous le profil des émissions élevées, le RCP8.5, le forçage radiatif en 2100 est de 8,5 Wm-2 supérieur aux conditions préindustrielles. Il existe deux « profils de stabilisation » intermédiaires dans lesquelles le forçage radiatif est stabilisé à 6 Wm-2 et 4,5 Wm-2 après 2100, et un profil unique à faibles émissions où le forçage radiatif atteint des sommets d’environ 3 Wm-2 au milieu du siècle avant de tomber à 2,6 Wm-2 à la fin du siècle. Tous les RCP étaient considérés comme plausibles.
[1] Le forçage radiatif est une mesure de l’effet combiné des gaz à effet de serre, des aérosols et d’autres facteurs qui influent sur le bilan énergétique de l’atmosphère. Bien que les GES agissent pour piéger plus de chaleur dans l’atmosphère, le rôle des aérosols est plus compliqué. Certains aérosols réfléchissent davantage le rayonnement incident du soleil vers l’espace, tandis que d’autres agissent pour piéger l’énergie solaire dans l’atmosphère.

Figure 4.1 : Simulations multimodèles CMIP5 du changement de la température mondiale moyenne en surface (°C) pour la période 1950 à 2100, par rapport à 1986-2005, pour le RCP2.6 et le RCP8.5. Les lignes en gras indiquent la moyenne multimodèle et les nombres de modèles CMIP5 utilisés pour calculer cette valeur moyenne sont indiqués. Les barres en couleur du côté droit indiquent la plage de variation de la température à la fin du siècle pour tous les RCP (Source : SPM. 7 GIEC, 2013b.)
Les profils socio-économiques partagés (SSP; van Vuuren et coll., 2014; O’Neill et coll., 2017), qui ont été utilisés dans le CMIP6, sont des profils de scénarios entièrement intégrés avec des scénarios socio-économiques détaillés, y compris certains qui correspondent aux RCP originaux. Ils intègrent différents ensembles d’hypothèses sur la façon dont, par exemple, la population, la croissance économique, l’éducation, l’urbanisation et le rythme du développement technologique pourraient changer au cours du prochain siècle. Les SSP sont fondés sur cinq scénarios (O’Neill et coll., 2017; Riahi et coll., 2017) décrivant les grandes tendances socio-économiques qui pourraient façonner la société future :
SSP1 : Emprunter la route verte – un monde de croissance et d’égalité axées sur la durabilité (SSP1-1.9, SSP1-2.6)
SSP2 : Progression modérée – les tendances suivent généralement leurs profils historiques (SSP2-4.5)
SSP3 : Rivalité régionale – Une route rocailleuse – un monde fragmenté de « nationalisme renaissant » (SSP3-7.0)
SSP4 : Inégalité – Une route divisée – un monde d’inégalités toujours croissantes (SSP4-3.4, SSP4-6.0)
SSP5 : Développement des combustibles fossiles — Prendre l’autoroute — Un monde de croissance rapide et sans contrainte de la production économique et de la consommation d’énergie (SSP5-8.5).
En plus de quatre scénarios d’émissions comparables aux RCP originaux, trois autres scénarios d’émissions ont été élaborés pour les SSP. Le SSP1-1.9 vise à limiter le réchauffement à moins de 1,5 °C, l’objectif ambitieux de l’Accord de Paris. Le SSP4-3.4 représente une voie intermédiaire entre le RCP2.6 rigoureux et les efforts d’atténuation moins rigoureux associés au RCP4.5. Le SSP3-7.0 représente l’extrémité moyenne à élevée de la fourchette des émissions et du réchauffement futurs. La figure 4.2 illustre le changement de la température moyenne mondiale associé aux principaux scénarios d’émissions de SSP.

Figure 4.2 : Changement de la température moyenne mondiale associé aux SSP. Les chiffres indiquent le nombre des simulations MCG et MST pour chaque SSP. (Source : Lee et coll., 2021)
Même si les RCP d’origine et les SSP correspondants (donc RCP2.6 et SSP1-2.6, RCP4.5 et SSP2-4.5, RCP8.5 et SSP5-8.5) ont le même niveau approximatif de forçage radiatif à la fin du siècle, ils présentent différents niveaux de réchauffement parce que la répartition des émissions au fil du temps et la proportion de différents GES et aérosols diffèrent. De plus, les modèles climatiques eux-mêmes ont été mis à jour entre le CMIP5 et le CMIP6, avec les dernières versions, incluant explicitement plus de processus climatiques et fonctionnant à une résolution spatiale plus élevée. La figure 4.3 compare la variation annuelle moyenne de la température au Canada associée aux trois scénarios fondés sur les SSP utilisés dans le CMIP6 avec les RCP utilisés dans le CMIP5 (Sobie et coll. 2021). L’enveloppe des résultats du CMIP6 indique, en moyenne, des augmentations plus importantes de la température moyenne mondiale et un écart intermodèle plus important, en particulier pour le SSP5-8.5 et le RCP8.5. Des résultats semblables ont été obtenus pour la température moyenne mondiale dans Tebaldi et coll. (2021). Le réchauffement plus important dans les simulations du CMIP6 est une combinaison d’un forçage légèrement différent et de la présence de modèles qui ont des sensibilités climatiques plus élevées[4] dans l’ensemble du CMIP6 que dans l’ensemble du CMIP5. Les sensibilités climatiques plus élevées dans le CMIP6 deviennent plus critiques pour les forçages plus élevés, comme le SSP5-8.5 (Tebaldi et coll., 2021). Un certain nombre d’études (p. ex., Tokarska et coll., 2020) ont exploré la possibilité de limiter le nombre des projections de l’ensemble CMIP6 sur la base de l’évaluation des simulations des conditions historiques. Lorsque des contraintes sont appliquées, les projections du CMIP6 sont plus proches de celles du CMIP5 (à la fois les projections brutes et celles ayant des contraintes similaires appliquées). En fait, le sixième rapport d’évaluation du GIEC (Lee et coll., 2021) utilise un ensemble limité des projections de la température moyenne de surface mondiale, en raison des sensibilités climatiques plus élevées démontrées par certains des modèles climatiques.
[4] La sensibilité climatique à l’équilibre fait référence à la quantité de réchauffement de surface qui se produira en réponse au doublement de la concentration de CO2 atmosphérique par rapport aux niveaux préindustriels et est estimée entre 1,5 °C et 4,5 °C. Cette vaste gamme est déterminée par les incertitudes des rétroactions climatiques, dont la façon dont la vapeur d’eau, les nuages, l’albédo de surface et d’autres facteurs changeront à mesure que la Terre se réchauffera. Certains MCG présentent un réchauffement plus important (sensibilité élevée au climat) et d’autres moins (faible sensibilité au climat) en réponse au même forçage.

Figure 4.3 : Anomalies de température moyenne annuelle pour le Canada de (a) CMIP6 et (b) CMIP5 par rapport à 1971-2000. Les simulations MCG individuelles sont affichées avec des lignes fines et les médianes d'ensemble correspondantes sont affichées sous forme de lignes épaisses pour chaque voie d'émission. Pour CMIP6, le passage de la simulation historique aux futurs SSP intervient en 2015 contre 2006 dans CMIP5 pour les RCP. Les modèles CMIP6 avec la réponse de température la plus élevée sont CanESM5, HadGEM3-GC31-LL et UKESM1-0-L. [Source : Sobie et al., 2021]