3.4.4 Étendue du pergélisol

Les résultats du modèle sont souvent appelés indices (Gruber, 2012; Boeckli et coll., 2012), car la relation avec l’étendue réelle est inconnue. L’étendue du pergélisol, parfois classée en zones comme « pergélisol continu » ou « pergélisol discontinu étendu », est le produit de données sur le pergélisol le plus utilisé.

L’étendue du pergélisol ne peut pas être observée directement. Par conséquent, les produits de données sont fondés sur des heuristiques ou des modèles (généralement des relations avec la température de l’air) reposant sur des observations de la température du sol à quelques endroits seulement, et la qualité des produits de données est difficile à quantifier. Il est difficile d’établir un lien entre l’étendue du pergélisol (agrégation spatiale d’une variable binaire) et les conditions à des endroits précis et cela nécessite habituellement des directives supplémentaires (voir Boeckli et coll., 2012). La simulation de changements de l’étendue du pergélisol à des échelles inter-annuelles à centenaires implique habituellement une simplification extrême (profondeur, teneur en glace) qui limite les possibilités d’interprétation des résultats. La difficulté inhérente à la définition et à l’interprétation de l’étendue et des zones du pergélisol est bien connue (p. ex., Zhang et coll., 2000; Heginbottom, 2002; Gruber, 2012; Gruber, 2016; Obu, 2021).

Les cartes de l’étendue du pergélisol peuvent indiquer où le pergélisol peut exister et approximativement quelle proportion de la zone devrait contenir du pergélisol (voir Gruber, 2016). L’étendue du pergélisol peut être agrégée en résumés de la superficie totale du pergélisol. Cela peut éclairer l’enseignement, l’élaboration de politiques et aider à déterminer si le pergélisol doit être examiné plus en détail au début des projets d’utilisation des terres lorsque l’état du pergélisol d’un emplacement est inconnu.

3.4.4.1 Sources de données

Circum-Arctic Map of Permafrost and Ground-Ice Conditions, version 2 : https://nsidc.org/data/ggd318 [en anglais seulement] Il s’agit d’une version numérisée de Brown et coll. (1997). La carte elle-même est basée sur une compilation de délimitations heuristiques, essentiellement manuelles, et de certaines homogénéisations de différents systèmes cartographiques (voir Gruber, 2012). Il s’agit de la représentation spatiale du pergélisol la plus utilisée.

Carte du pergélisol du Canada : « Pergélisol » 1:7 500,00 dans la 5e édition (de 1978 à 1995) de l’Atlas national du Canada, https://ftp.maps.canada.ca/pub/nrcan_rncan/raster/atlas_5_ed/fra/environment/land/mcr4177.pdf.

Global Permafrost Zonation Index Map (Gruber, 2012) : https://www.geo.uzh.ch/microsite/cryodata/pf_global/ [en anglais seulement]. Cet Jeu de données définit les règles utilisées dans Brown et coll. (1997) — la Circum-Arctic Map of Permafrost and Ground-Ice Conditions — dans un modèle simple et l’applique à la température moyenne de l’air annuelle maillée pour la période de 1961 à 1990. Les effets transitoires ne sont pas représentés. En montagne, les gradients verticaux sont appliqués sur un espacement de maillage d’environ 1 km.

Circumpolar permafrost maps (Karjalainen et coll., 2018) : https://doi.pangaea.de/10.1594/PANGAEA.893881 [en anglais seulement]. Cet Jeu de données contient une carte de référence pour la période de 2000 à 2014, à une résolution d’environ 1 km, qui a été dérivée à partir d’une modélisation statistique avec des données climatiques et des températures du sol observées.

Permafrost extent for the Northern Hemisphere, v3.0 : https://catalogue.ceda.ac.uk/uuid/6e2091cb0c8b4106921b63cd5357c97c [en anglais seulement]. Cet Jeu de données contient des cartes annuelles de l’étendue du pergélisol au nord de 30° N à une résolution d’environ 1 km. Elles sont dérivées d’un modèle thermique transitoire et d’une couverture fractionnelle de sept classes de couverture terrestre (Westermann et coll., 2020). Pour la période de 2003 à 2019, ces données sont basées sur la température de la surface terrestre du MODIS fusionnée avec la température de l’air de l’ERA5 et pour 1997 à 2002, elles sont basées sur la température de l’air de l’ERA5 et la correction de biais avec la température de la surface terrestre du MODIS de 2003 à 2019. L’étendue annuelle du pergélisol dans ce produit est dérivée de la température du sol à une profondeur de 2 m et, par conséquent, le pergélisol peut persister en profondeur en fractions supérieures à ce qui est indiqué pendant des années à des siècles.

3.4.4.2 Forces et limites des ensembles de données

Délimitation manuelle : Les connaissances spécialisées (c.-à-d. l’étendue perçue du pergélisol et sa relation avec la physiographie et le climat) sont utilisées comme heuristique pour la délimitation des polygones dans la production de cartes nationales et internationales. Les règles et entités utilisées (voir Heginbottom 2002; Gruber, 2012) pour tracer les lignes diffèrent et sont difficiles à comparer entre les régions ou à reproduire avec exactitude. L’utilisation des zones de pergélisol est bien établie. Ces cartes jouissent d’une grande popularité et sont souvent dignes de confiance, même si, dans de nombreuses régions, on ne sait pas à quel point elles sont fiables. Les effets transitoires ne sont pas représentés et la période pour laquelle ces données sont valides n’est pas précisée explicitement.

Modèle maillé : Les données quantitatives provenant de la réanalyse, des observations interpolées ou de la télédétection sont utilisées comme données d’entrée pour les simulations du modèle. Le fait de s’appuyer sur des données spatiales quantitatives rend ces types de données reproductibles et plus cohérentes sur le plan spatial que celles dérivées de la délimitation manuelle. Les modèles utilisés contiennent des hypothèses sur les caractéristiques de la sous-grille du microclimat, de la neige, de la surface terrestre et de la subsurface. La pertinence de ces hypothèses est difficile à déterminer.

Références - Étendue du pergélisol

Boeckli, L., A. Brenning, S. Gruber, et J. Noetzli, 2012: « Permafrost Distribution in the European Alps: Calculation and Evaluation of an Index Map and Summary Statistics. The Cryosphere », 6(4), 807-820, doi.org/10.5194/tc-6-807-2012.

Brown, J., O. Ferrians, J.A. Heginbottom, et E. Melnikov, 1997: « Circum-Arctic Map of Permafrost and Ground-Ice Conditions. U.S. Geological Survey in Cooperation with the Circum-Pacific Council for Energy and Mineral Resources », Washington, D.C., doi.org/10.3133/cp45.

Cao, B., S. Gruber, D. Zheng, et X. Li, 2020: « The ERA5-Land Soil Temperature Bias in Permafrost Regions. The Cryosphere », 14(8), 2581-2595, doi.org/10.5194/tc-14-2581-2020.

Gruber, S., 2012: « Derivation and Analysis of a High-Resolution Estimate of Global Permafrost Zonation. The Cryosphere », 6(1), 221-233, doi.org/10.5194/tc-6-221-2012.

Gruber, S., 2016: « Specification of a Permafrost Reference Product in Succession of the IPA Map (Action Group Report) », extrait de: https://ipa.arcticportal.org/images/stories/AG_reports/IPA_AG_SucessorMap_Final_2016.pdf.

Heginbottom, J.A, 2002: « Permafrost Mapping: A Review. Progress in Physical Geography », 26(4), 623-642, doi.org/10.1191/0309133302pp355ra.

Karjalainen, O., J. Aalto, M. Luoto, S. Westermann, V.E. Romanovsky, F.E. Nelson, B. Etzelmüller, et J. Hjort, 2018: « Circumpolar Raster Grids of Permafrost Extent and Geohazard Potential for Near-Future Climate Scenarios », PANGAEA, doi.org/10.1594/PANGAEA.893881.

Obu, J., 2021: « How Much of the Earth’s Surface is Underlain by Permafrost? Journal of Geophysical Research: Earth Surface », 126(5), 1-5, doi.org/10.1029/2021JF006123.

Westermann, S., A. Bartsch, et T. Strozzi, 2020: « Permafrost - Algorithm Theoretical Basis Document. European Space Agency Contract Report », 1–30, Extrait de https://climate.esa.int/en/projects/permafrost/key-documents/.

Zhang, T., J.A. Heginbottom, R.G. Barry, et J. Brown, 2000: « Further Statistics on the Distribution of Permafrost and Ground Ice in the Northern Hemisphere 1. Polar Geography », 24(2), 126-131, doi.org/10.1080/10889370009377692.