Plus précisément, les données sur le mouvement de la glace de mer illustrent la dynamique de celle‑ci, notamment la dérive (transport) et la déformation (gradients du mouvement de la glace de mer; divergence/convergence capturant l’ouverture/la fermeture associée à ce qu’on appelle les chenaux et les polynies de séparation, en plus du chevauchement et de la formation de crêtes de glace dans la couverture de glace de mer). Les forces qui contribuent au mouvement de la glace de mer comprennent les vents sur des échelles quotidiennes et hebdomadaires, les courants océaniques sur des échelles mensuelles, saisonnières et plus longues, la force de Coriolis due à la rotation de la Terre, les contraintes internes de la glace qui mesurent la force de la glace déterminée par l’épaisseur de la glace (c.-à-d. que de la glace plus solide ou plus faible est associée à de la glace plus épaisse ou plus mince), et l’inclinaison de la surface de la mer en raison de l’ondulation et de la surface dynamique de l’océan.
Le mouvement des glaces revêt une grande importance pour les activités à court terme qui comprennent la surveillance et les prévisions quotidiennes et hebdomadaires. Les applications particulières comprennent le transport de polluants et de contaminants, l’âge de la glace (le suivi de la glace qui survit à la saison estivale), la recherche et le sauvetage, la navigation (les navires peuvent être piégés par des floes en mouvement), la planification des routes de pêche et de navigation et la détection des dangers liés à la glace dans les régions de construction (les structures extracôtières peuvent être endommagées par la force et l’élan de la glace en mouvement) (Ressources naturelles Canada, 2021). La dynamique de la glace de mer à proximité des régions côtières peut contribuer au transport de sédiments par advection à la suite de la débâcle de la glace de rive et par déformation lorsque les quilles de glace peuvent redistribuer les sédiments du plateau (Barnhart et coll., 2014). Le développement récent de la dérive de glace de mer mesurée par radar à synthèse d’ouverture à des échelles spatiales de plusieurs kilomètres permet de détecter la glace de rive et les stamukhi, ce qui est pertinent du point de vue de l’érosion côtière et de la dégradation du pergélisol (Selyuzhenok et Demchev, 2021). Sur le plan climatique, le mouvement des glaces est important dans l’évaluation des modèles, car il est important de bien simuler la vitesse des glaces afin d’avoir une bonne simulation globale de la glace de mer. En particulier, les études lagrangiennes sur la dérive de la glace de mer montrent une réduction des temps de déplacement de la glace avec une transition de la glace de plusieurs années à la glace pérenne (Pfirman et coll., 2004) ayant des répercussions sur le transport en eau douce et la navigation dans l’Arctique (Derepentigny et coll., 2020). Des études eulériennes sur la dérive de la glace de mer sur plusieurs décennies démontrent une accélération de la dérive de la glace de mer en raison de la réactivité accrue d’une couverture de glace de mer plus faible face aux vents de surface, avec des répercussions sur la stratification et la convection profonde qui mèneraient à un nouveau puits de CO2 (Hakkinen et coll., 2008). Plus récemment, des études sur l’âge de la glace à l’aide de champs de dérive de la glace de mer ont démontré une réduction de la glace épaisse de plusieurs années au nord du Groenland dans une région traditionnellement reconnue comme le dernier refuge pour la glace de plusieurs années (Schweiger et coll., 2021).
Des données historiques d’observation du mouvement des glaces de mer de l’Arctique existent sous forme de produits maillés (eulérien; OSI-SAF, CERSAT, Polar Pathfinder) et lagrangiens (IABP). Voici un aperçu des données sur le déplacement de la glace de mer susceptibles d’intéresser les utilisateurs de données dans le Nord canadien, en plus des références comparant les récents ensembles de données et leurs limites. Comme pour les autres variables de la glace de mer, ces ensembles de données sont présentés en raison de leur disponibilité, de leur durée de plusieurs décennies et de leur couverture locale et mondiale; un sous-ensemble est également utilisé pour dériver l’indicateur climatique mondial de l’âge de la glace de mer.
name | source | data type | spatial domain | spatial resolution | temporal coverage | time step | data format | |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
IABP | Université de Washington | Données aux stations | irrégulier | Données ponctuelles | 1979 à aujourd'hui | Variable (sous-quotidienne à quotidienne) | ASCII; NetCDF | details |
OSISAF basse résolution Série OSI-405 | EUMETSAT | Données satellitaires | Global | 62.5 km x 62.5 km | 12/2009 – 07/2021 Données estivales disponibles après 2017 | Quotidien | NetCDF | details |
OISAF à résolution moyenne Série OSI-407 | EUMETSAT | Données satellitaires | Global | 20 km x 20 km | 12/2009 – 07/2021 Données estivales disponibles après 2017 | 6h | NetCDF | details |
CERSAT | IFREMER | Données satellitaires | Global | 62.5 km x 62.5 km | 10/1999 – 05/2020 | Quotidien; Hebdomadaire; Mensuel | NetCDF | details |
Polar Pathfinder, 25 km, quotidien, EASE-grille, vecteurs de mouvement de la glace de mer | NSIDC | Données satellitaires | Global | 25 km x 25 km | 25/10/1978 – 30/12/2020 | Quotidien; Hebdomadaire | PNG; NetCDF | details |
a) Données des bouées de l’International Arctic Buoy Program (IABP)
Les trajectoires des balises de glace de mer associées au produit (lagrangien) International Arctic Buoy Program (IABP) présentent un intérêt à l’échelle spatiale locale et aux hautes fréquences. Les données de l’IABP fournissent les coordonnées de latitude et de longitude enregistrées par les bouées comme mesure directe du mouvement et des déplacements des floes (figure 3.9). Les composantes du vecteur de mouvement de la glace de mer sont calculées en divisant les déplacements des balises dans les directions zonale et méridionale par le temps écoulé. Les données de l’IABP sont utilisées à la fois à des fins opérationnelles et de recherche. Les applications opérationnelles comprennent l’utilisation des données des balises dans les cartes des glaces pour prévoir les conditions météorologiques et les conditions de la glace de mer (Rigor et Wallace, 2004), valider les prévisions satellitaires et intégrer des produits de réanalyse atmosphérique afin de fournir des renseignements à l’échelle locale (plusieurs km). Les applications de recherche comprennent l’utilisation des données des balises pour évaluer les variations de la dérive et de la déformation de la glace de mer en réponse aux changements climatiques des quatre dernières décennies, et pour valider les modèles météorologiques et climatiques, ainsi que les produits liés aux mouvements de la glace de mer dérivés de satellites, décrits dans la section suivante.
Figure 3.9. Exemple d'emplacements de balises de glace de mer IABP (à gauche), de concentration de glace de mer NSIDC et de SLP NCEP le 21 mars 2022, et (à droite) de traces de bouée de glace de mer sur 60 jours.
Considérations et limites
L’Jeu de données de l’IABP est utile pour l’évaluation de la dérive et de la déformation de la glace de mer locale et régionale pour des échelles de temps allant de plusieurs heures à des mois. En suivant le mouvement des floes de glace, les données de l’IABP capturent également des caractéristiques à petite échelle, y compris des boucles, des méandres et des tourbillons, en réponse au forçage atmosphérique et océanique et à la solidité de la glace à divers endroits et à diverses dates pendant les quarante années d’enregistrement. De plus, les données sont fournies pendant les mois d’été des quatre dernières décennies, contrairement aux données obtenues par satellite sur le mouvement des glaces. Cependant, l’inhomogénéité spatiale et temporelle dans les observations des balises limite la comparaison des changements de la dynamique des glaces pour un emplacement donné sur plusieurs décennies, ou des différences régionales de la dérive de la glace de mer à un instant donné ou pour un intervalle précis dans le temps. Très peu de bouées (le cas échéant) atteignent les eaux à l’extérieur de l’océan Arctique (c.-à-d. l’archipel Arctique canadien, la baie d’Hudson, la côte est).
a) Mouvement de la glace de mer dérivé par satellite
Les produits sur grille (eulériens) liés au mouvement de la glace de mer dérivés d’observations satellitaires fournissent une couverture spatiale et temporelle continue de l’Arctique au cours des dernières décennies. Le mouvement de la glace de mer est dérivé d’une combinaison d’hyperfréquences passives, de diffusiomètre radar, de radiomètre, de bouée IABP et de données sur le vent NCEP/NCAR, à l’aide d’algorithmes associés à la technique de corrélation croisée maximale qui donne un produit quotidien fusionné et une incertitude correspondante.
Dérive de la glace de mer OSI SAF à basse résolution
Le produit de dérive de la glace de mer EUMETSTAT du Ocean and Sea Ice Satellite Application Facility (OSI SAF) est dérivé à l’aide d’une méthode de « corrélation croisée maximale continue » appliquée aux sous-images et conçue pour réduire le bruit de poursuite (Lavergene et coll., 2010). Les incertitudes sont également incluses pour les déplacements x et y (2 jours) et représentent l’erreur type. La précision hémisphérique annuelle pour l’Arctique varie de 2,5 km à 4,5 km pour les produits à capteur unique, et d’environ 2,6 km pour le produit fusionné. Seul le produit multicapteurs est approprié pour l’analyse pendant les mois d’été (du 1er mai au 1er novembre dans l’hémisphère Nord), avec une précision réduite en raison de la fonte des surfaces qui empêche la récupération des instruments utilisés pour dériver les produits de la dérive de glace. Les déplacements x et y, dx et dy (le long de l’axe y de la grille) sont fournis en km pour les intervalles de temps écoulés de 2 jours. La basse résolution de ce produit (62,4 km), qui capture le mouvement de la glace de mer à l’échelle régionale, n’est pas bien déterminée dans les petits chenaux comme dans l’archipel Arctique canadien.
Polar Pathfinder Daily 25 km EASE-Grid Sea Ice Motion Vectors du NSIDC, version 4
Les tendances et l’indicateur climatique mondial de l’âge de la glace de mer (https://nsidc.org/data/NSIDC-0611/versions/4 [en anglais seulement]) peuvent être calculés et dérivés respectivement à partir de l’Jeu de données sur la dérive de la glace de mer couvrant plusieurs décennies Polar Pathfinder Daily 25 km EASE-Grid Sea Ice Motion Vectors, version 4, produit par le National Snow and Ice Data Centre (NSIDC). Ce produit est dérivé de la fusion de plusieurs ensembles de données et capteurs, y compris les données de l’AVHRR, des bouées, du NCEP/NCAR et des hyperfréquences passives (instruments SMMR, SSM/I, SSMIS, AMSR-E) en utilisant une interpolation optimale et une méthode d’estimation par cokrigeage. La variance de l’erreur finale dans le produit fusionné de mouvement de la glace de mer est fondée sur une moyenne pondérée par la source et la distance calculée en fonction des corrélations croisées entre l’estimation distincte du mouvement de la glace de mer et le vecteur de la bouée, et la distance à partir du point estimé (Tschudi et coll., 2019). Les différences entre les composantes interpolées et les composantes des bouées sont de l’ordre de 0,1 cm/s pour la composante zonal et de 0,4 cm/s pour la composante méridionale, avec des erreurs quadratiques moyennes de 3,36 cm/s et de 3,4 cm/s respectivement (Measuring sea ice motion, NSIDC, https://nsidc.org/sites/nsidc.org/files/technical-references/MeasureSeaIceMotion-0116-0748.pdf [en anglais seulement]).
Considérations et limites
Sumata et coll. (2014) fournissent une description détaillée du produit à basse résolution et une comparaison entre les produits pour les données satellitaires sur le mouvement de la glace de mer. Il est démontré ici qu’une plus grande erreur dans la dérive de la glace de mer dérivée par satellite est associée à des vitesses de dérive plus élevées, ainsi qu’aux régions où les concentrations et l’épaisseur de la glace de mer sont faibles. Les comparaisons entre les produits ont également démontré des différences maximales de vitesse de dérive des glaces de l’ordre de 12 % dans le détroit de Fram, et de déformation des glaces de mer de l’ordre de 24 % en hiver et de 37 % en été dans le bassin amérasien. On a également souligné que tous les produits, avec des estimations d’incertitude appropriées, étaient pertinents pour la validation du modèle de la dynamique de la glace de mer (dérive et déformation) et l’assimilation des données, le NSIDC et l’OSI SAF montrant des incertitudes plus faibles que le CERSAT en raison du biais de faible vitesse de dérive de la glace dans ce dernier. La couverture nuageuse nuit également à la détection de la glace de mer, ce qui entraîne des données manquantes. Les champs vectoriels de tous les produits sont moins précis en été qu’en automne, en hiver ou au printemps. La basse résolution de ce produit pour le mouvement de la glace de mer à l’échelle régionale n’est pas bien résolue dans les petits chenaux comme ceux de l’archipel Arctique canadien.
Pour ce qui est des produits de données atmosphériques, il existe des discontinuités dans les données sur la dérive de la glace de mer en raison de la fusion de multiples sources de données à diverses échelles spatiales et temporelles. Cela se manifeste dans l’Jeu de données du NSIDC sur le mouvement de la glace de mer par des caractéristiques circulaires et persistantes associées à la fusion des données des bouées et des satellites.
Figure 3.10 Exemples de l’âge de la glace de mer du NSIDC (à gauche) dérivés du Polar Pathfinder Daily 25 km EASE-Grid Sea Ice Motion Vectors du 25 juin au 1er juilletet 2021 et (à droite) la dérive de la glace de mer du OSI SAF du 31 août 2021 selon le temps écoulé entre le 30 août et le 1er septembre 2021. (Sources [en anglais seulement] : https://daacdata.apps.nsidc.org/pub/DATASETS/nsidc0749_ql_iceage/,
https://daacdata.apps.nsidc.org/pub/DATASETS/nsidc0748_ql_icemotion/,
https://osisaf-hl.met.no/quicklooks-1prod?year=2021&month=09&day=01&prod=LR-Drift&time=Daily&area=NH)
Références - Dérive de la glace de mer
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DeRepentigny, P., A. Jahn, B. Tremblay, R. Newton, et S. Pfirman, 2020: « Increased Transnational Sea Ice Transport Between Neighboring Arctic States in the 21st Century. Earth's Future », 8(3), doi.org/10.1029/2019EF001284.
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Schweiger, A.J., M. Steele, J. Zhang, G.W.K. Moore, et K.L. Laidre, 2021: « Accelerated Sea Ice Loss in the Wandel Sea Points to a Change in the Arctic’s Last Ice Area. Communications Earth & Environment », 2(1), doi:10.1038/s43247-021-00197-5.
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